Le télétravail ou la disruption de notre culture managériale

Publié le 09/11/2020

A l’heure de la crise du coronavirus, où la pérennité de la plupart des entreprises est remise en question, les habitudes managériales connaissent elles aussi un bouleversement. Le confinement d’Avril 2020 a bouleversé nos méthodes de travail. Certaines entreprises n’ont pu s’adapter et ont été contraintes de fermer, tandis que d’autres ont relevé le défi de l’adaptabilité en des circonstances inédites.  

La question cruciale qui s’est posée est : Comment adapter l’organisation du travail au contexte sanitaire, afin qu’elle permette la continuité de l’activité économique ?  

Le télétravail, jusqu’alors peu répandu, est devenu indispensable pour maintenir l’activité des entreprises.  Le Mercredi 28 Octobre, le gouvernement a pris la décision de re-confiner la population pour une durée minimale d’un mois. Cette question cruciale qui s’est imposée lors du premier confinement, revient à l’ordre du jour. Néanmoins, cette fois-ci, les entreprises peuvent améliorer leur organisation en tirant profit de l’expérience passée.  « Partout où c’est possible, le télétravail sera généralisé. Mais, contrairement au printemps, l’économie ne s’arrêtera pas : guichets de services publics, usines, exploitations agricoles, chantiers continueront à fonctionner »Elisabeth Borne, Ministre du Travail.  Nous allons ainsi analyser les conséquences du télétravail en France 

 

De prime abord, qu’est-ce que le télétravail ?  

Le télétravail représente l’organisation du travail à distance, où les salariés poursuivent leurs missions depuis leur domicile, et non pas dans les locaux de l’entreprise. Le code du travail ne définit pas le télétravail comme droit au salarié et n’explicite pas pour l’heure les conditions de sa mise en place. En ce sens, les employeurs peuvent choisir les professions qui sont concernées.  

L’expansion des nouvelles technologies de l’information et de la communication a rendu possible et efficace la mise en place du télétravail. En 2012, selon un rapport du Ministère chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, 12.4% des salariés français télétravaillaient au minimum 8h par mois.  

La culture managériale en France connaît des changements progressifs, passant du micro-management au management de la confiance et de l’autonomie. Le travail à distance se libéralise simultanément à la modernisation des pratiques managériales. A l’heure actuelle, selon l’ANDRH, Association Nationale des Directeurs de Ressources Humaines, environ 95% des entreprises ont adopté le télétravail en avril 2020. Et, 85% des DRH souhaitent son développement.   

 

La réalité technique de la mise en place du télétravail  

Le télétravail nécessite, en amont, une réflexion technique d’organisation. L’entreprise doit s’assurer que ses collaborateurs sont équipés des outils numériques et technologiques adaptés à leurs fonctions. Par conséquent, cela nécessite des investissements IT, un coût supplémentaire pour les entreprises.  De même, afin de sécuriser les données confidentielles et inhérentes à l’activité de l’entreprise, une mise en place d’un VPN spécifique est indispensable. Si l’entreprise dispose de services informatiques en son sein, il lui sera d’autant plus accessible de créer et renforcer un workflow, des supports informatiques fonctionnels, fiables et sécurisés.  

 

Les inconvénients au télétravail :  

Les employeurs craignent :  

– La faculté à dissocier la vie professionnelle et la vie personnelle lorsque le lieu de vie devient le lieu de travail ; 

-La difficulté des collaborateurs à s’imposer une rigueur structurelle, et d’organisation ; 

-La perception d’une relation financière et cupide entre le collaborateur et l’entreprise ;  

-Les incidents matériels et problèmes techniques qui peuvent altérer la capacité et les moyens de travail des collaborateurs (problèmes de wifi, pannes sur le réseau VPN, …). 

-Les répercussions morales à terme sur leurs collaborateurs. En effet, dans les métropoles, la question du logement est critique. Certains salariés sont seuls dans leurs petits appartements. Cela peut à la fois créer un manque de place pour la vie professionnelle, mais aussi un sentiment de solitude voire d’exclusion sociale car les lieux de travail sont historiquement le repère des relations sociales.   

-Les répercussions sur les relations sociales dans leur globalité. Le lieu de travail est le symbole de l’appartenance à un groupe social, et participe à la construction de notre identité. Par la digitalisation des espaces de travail, le télétravail prend ses distances avec les relations sociales physiques. Selon une étude de BCG et de l’ANDRH, 88% des DRH craignent la diminution du sentiment d’appartenance à l’entreprise en raison de la baisse des interactions sociales. 

 

Les externalités positives du télétravail :  

  • Du point de vue des employeurs :  

– La production et la productivité des entreprises accroît de 5% à 30% selon le Rapport sur le télétravail de la Direction Générale des Entreprises. 

 A mesure du développement du travail en distanciel, la structure peut faire des économies d’échelle à moyen/long-terme en élaborant une stratégie de réduction de la surface des locaux et ainsi une diminution des charges immobilières.  

 L’augmentation de la qualité de vie de ses employés a une répercussion positive quant à leur implication et productivité.  

  • Du point de vue des collaborateurs :  

 La fragmentation du travail est largement réduite. Les conditions de travail sont propices à la concentration. Travailler depuis son domicile instaure un environnement non-anxiogène, propice à l’efficacité, qui évite d’être constamment sollicité en open space par exemple. En conséquence, la productivité du collaborateur augmente.  

 L’énergie et le temps habituellement dépensés dans les transports ne sont plus, et cela réduit le stress et la fatigue. 

  • Pour les acteurs publics :  

– L’expansion du télétravail permet de désengorger les voies de circulation, les transports en commun. Cela a pour conséquence la réduction de l’empreinte carbone ; la fluidité de la circulation piétonne, routière, et des transports en commun. 

 

La réorganisation du lieu de travail: 

Le télétravail ne se cantonne pas uniquement au lieu de vie des collaborateurs. Ces derniers se rendent dans les locaux de l’entreprise pour assister à des réunions, ou participer à des sessions de brainstorming. De même, on assiste à une mobilité intra-site où les collaborateurs peuvent se rendre 

Également, le « tiers-lieu de travail » est une pratique qui se développe de plus en plus. Les entreprises n’investissent plus dans des surfaces immobilières, et préfèrent que leurs collaborateurs occupent des coworking, ou autres centres.  

 

Quelles conséquences sur le modèle managérial des entreprises : 

Le télétravail met à l’épreuve les techniques managériales. La Covid19 est le propulseur de l’adaptation du management aux enjeux actuels. Selon une étude de BCG et de l’ANDRH, « les DRH anticipent à 93% que le passage en télétravail modifiera les pratiques managériales dans l’entreprise. Pour 88%, il faudra changer les politiques RH, 80% l’organisation du travail au sein de l’entreprise et 78% l’aménagement des espaces de travail. » De même, 61% des DRH estimeraient essentiel d’adapter les outils de leurs salariés et 44% anticiperaient une évolution du rôle de manager. Cette transition est accompagnée de dispensations de formations ainsi que d’une réflexion quant à cette évolution. 

Les responsables des RH sont les piliers de la transition vers le télétravail. Leur mission est de maintenir une relation de confiance à distance, d’être très attentifs et à l’écoute sur le bien-être des collaborateurs.  Une politique inclusive et une relation de proximité doivent se créer afin de mesurer les attentes, les besoins et les critiques, et ainsi d’être flexibles pour instaurer un environnement propice à l’acquisition de compétences et à la productivitéMaintenir le lien identitaire et l’implication devient essentiel, et cela passe par l’échange.   

Les notoriétés de la méthode agile, du « Lean management » s’accentuent et constituent les nouvelles alternatives de modèle managériaux. 70% des DRH préfèrent l’établir et continuer sur la base de ces nouvelles pratiques managériales.  

 

Quel futur pour le télétravail : 

À la suite du déconfinement, Audrey Richard, présidente de l’ANDRH, affirme : “Un retour en arrière semble peu envisageable. On est passé sur l’autre rive”Nombreux sont ceux qui s’accordent sur « l’hybridation » du télétravail pour un futur proche. 

Hybride, car le télétravail sera possible pour certaines fonctions jusque-là exclues. Hybride, car le télétravail ne substituera pas en totalité les horaires de bureau. Lors du déconfinement, certaines entreprises ont déjà commencé à proposer une répartition des temps de présence du travail dans les locaux et en distanciel, avec notamment 1 à 3 jours de télétravail par semaine. 

   

 

Conclusion 

Bien loin d’une démarche volontariste, le télétravail s’est généralisé par dépit et par concours de circonstances. Néanmoins cette pratique présente bien des avantages pour l’ensemble des parties-prenantes, bien qu’elle ne soit pas la solution à l’ensemble des problèmes. 

Le télétravail est un élément constitutif du bouleversement de nos pratiques managériales. C’est grâce à la collaboration, l’innovation, la créativité, l’écoute et l’adaptabilité, que nous construirons le modèle de travail de demain. Flexibilité, sécurité, productivité sont les priorités du nouveau mode de management qui est en train de s’édifier. 

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